Technique de peinture sur figurine

Comment peindre quand on est daltonien ?

Chaque peintre est différent, ça c’est une certitude. De part ses goûts, son approche, sa technique, son histoire. Parfois, c’est une caractéristique physique, une maladie, qui peut imposer une vision différente. C’est le cas du daltonisme. Avec environ 8% des hommes touchés (1% chez les femmes), le daltonisme peut poser quelques difficultés en peinture sur figurine. Mais rien d’insurmontable ! Comment peindre quand on est daltonien ? C’est la question posée à monsieur Eti Mic, daltonien mais avant tout passionné de peinture comme nous tous. Il te livre ses conseils dans cet article passionnant. Que tu sois Daltonien, simple curieux, ou que tu souhaites filer un coup de pouce à quelqu’un atteint de cette malformation oculaire, tu trouveras ici tout ce que tu cherches.

Daltonien : qu’est-ce que ça veut dire exactement ?

Généralités sur le Daltonisme

Popularisé par John Dalton (1766-1844) , le daltonisme ou dysichromatisme est une malformation génétique héréditaire qui touche 8% des hommes et 1% des femmes. Ce qui veut dire que sur 100 hobbyistes, on en a forcément quelques-un(e)s.

John Dalton daltonisme

Le daltonisme : une mauvaise réception des couleurs au niveau de la rétine

Pour percevoir une image, la lumière pénètre l’œil et tape la rétine, où se situent des photorécepteurs. Il en existe deux sortes : les bâtonnets, sensibles à l’intensité lumineuse, et les cônes, qui eux réagissent aux longueurs d’ondes donc aux couleurs.

Les cônes sont spécifiques à trois couleurs : le rouge, le vert, et le bleu (RVB) qui sont logiquement présents en proportions égales et leur association permet de recevoir et de traduire toutes les couleurs au niveau de la rétine, on parle alors de trichromatisme normal (les non daltonien).

schéma oeil daltonisme

Chaque couleur possède sa propre longueur d’onde, qui est réceptionnée par ces fameux cônes.

Longueur d'onde lumière

Si l’un des types de cônes est déficient, on parle de trichromatisme anormal, ça arrive, il y a certaines personnes qui ont du mal avec certaines longueurs d’ondes mais qui ne seront pas pour autant considérées comme daltoniens.

Si l’un des types de cônes est absent ou gravement déficient, on parle de dichromatisme (2 couleurs sur 3), si deux types de cônes sont absents, on parle de monochromatisme (1 sur 3) ou si les trois types sont absents, d’achromatisme  (0 sur 3).

Prenons un exemple, si une personne possède une déficience grave ou une absence de cône photorécepteur de la couleur verte, alors cette couleur ne sera simplement pas perçue.

Et quand c’est le cas, amuse-toi à faire la peau d’un ork, quand tu ne distingues absolument pas le waaagh flesh du warboss green ou skarsnik green 😀

Comment savoir si je suis daltonien ? Et comment savoir quelle est ma déficience ?

Chaque daltonien est différent, mais comme on aime bien mettre les gens dans les cases, les daltoniens ne dérogent pas à la règle. Savoir quelle est sa déficience est intéressant pour savoir quelles sont les couleurs avec lesquelles ont a le plus de difficultés.

Les personne ayant lu cet article ont aussi lu :  Contraster ses figurines - la théorie des couleurs part. 3

Il y a :

  • Les protanopes
  • Les deutéranopes
  • Les tritanopes
Type de daltonisme

Pour savoir si tu es daltonien, il existe plusieurs tests, mais le plus courant est celui d’Ishihara.

Tu peux cliquer directement sur le lien pour faire le test 😉

Mes conseils de peinture quand on est Daltonien

Peindre quand on est daltonien, c’est comme colorier un dessin avec des zones dont il ne faut pas déborder… mais sans jamais savoir si on a débordé car on dessine sur une feuille blanche avec un crayon d’un blanc parfaitement identique. Les teintes des couleurs se mêlent et sont, à nos yeux, totalement indiscernables. Les repères sont donc complètement différents, et on a parfois l’impression de peindre au hasard, sans savoir si on pose les bonnes couleurs aux bons endroits. MAIS, ce n’est pas insurmontable. Voici les conseils que j’applique au quotidien et qui m’aident beaucoup à progresser et prendre du plaisir en peinture

Surmonter ses peurs et ignorer les reproches non constructifs

Au-delà des peurs habituelles (voir ton article sur la peur), les daltoniens en ont une autre.
T’es daltonien, t’y arriveras jamais laisse tomber ». Classique de chez classique ! Mais, au-delà du fait que c’est le type de réflexion absolument inutile, c’est avant tout totalement faux. C’est comme dire qu’un sourd ne peut pas composer de musique, ou qu’un aveugle ne peut pas faire de sport ou jouer au piano… les contre-exemples sont légion, Beethoven et Ray Charles en tête de file.
Bref, n’écoutes que ceux qui t’aident à progresser, les autres sont juste jaloux de votre style inimitable et de votre détermination 🙂

N’oublie pas que tu peints avant tout pour toi et pour le plaisir que cela te procure. Si tu trouves que c’est joli, que tu es fier de ta progression, c’est le principal. Et ça c’est vrai que tu sois daltonien ou non.
Rares sont les initiateurs ou coach (vendeurs Games Workshop ou autre) qui vont comprendre ta singularité et adapter leur méthode. Mais t’inquiète, c’est l’objectif de cet article.

Utiliser les bonnes vieilles techniques bien basiques

Tu es débutant et Daltonien

Pour commencer à peindre quand on est daltonien, il faut oublier les fondus/dégradés de folie qu’on ne vois même pas. Dans un premier temps, il est important de te familiariser avec les techniques de base. Si c’est vrai pour tous les débutants, ça l’est encore plus pour nous qui sommes daltoniens, car nous avons une difficulté supplémentaire et de taille : comprendre la couleur. Pour se faciliter la tâche, il faut donc balayer les autres difficultés et se concentrer sur la couleur en elle-même. Donc pratique les techniques simples et efficaces, celles qui te sont accessibles.

Voici un exemple de routine simple et efficace :

Etapes de peinture
Base/lavis/Reprise des aplats/Lignage

Et le résultat :

Peinture technique de base
Crédit photo : RB CR Vict

Commence déjà par maîtriser cette technique et tu n’auras pas à rougir ni avoir peur de sortir tes figurines sur une table de jeu. On te dira que c’est basique. Quand on distingue parfaitement les couleurs, oui, ça l’est… mais quand ce n’est pas le cas, c’est plus la même limonade. Et en vrai, bien nombreux sont ceux qui ne font pas mieux sans être daltonien. Donc c’est basique, oui… et alors ?

L’appel à un ami, technique perso

Vivre ce hobby, c’est faire très belles rencontres avec une belle communauté de passionnés.
N’hésite pas à solliciter les autres, qui te conseilleront. « Rajoute un peu de lavis par-là, utilise tel pot (et non telle couleur ;)) ».

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Peindre quand on est daltonien, c’est parfois peindre à « l’aveugle » une couleur que l’on ne voit pas. Ce n’est pas gagné, mais avec de l’aide on peut faire des choses correctes.

Et évidemment, il ne faut pas hésiter à dire que tu es daltonien quand tu demandes des conseils. Ça permet à l’autre de savoir que la perception des couleurs n’est pas la même, et donc adapter le discours. Comme dit juste avant, on va parler de « ce pot » ou du « Magic Blue 72.021 Game Color » plutôt que « du bleu ciel ».

Au passage, merci à Quentin, Mat’, Nico, Jojo, à qui j’envoie beaucoup trop de photos pour obtenir leurs avis éclairés.

Techniques de peinture avancées et daltonisme

La technique du pré-ombrage

Si tu es Daltonien, alors ce qui te pose le plus de problème, c’est la couleur. Et bien qu’à cela ne tienne, on s’en débarrasse !!! Quoi ? Mais je veux pas peindre toutes mes figs en noir et blanc. Mais non, t’inquiètes pas…

L’idée ici est d’avancer le plus possible sur le process de peinture avant de poser la première couleur. On a tendance à croire que peindre, c’est mettre la bonne couleur au bon endroit. C’est pas faux ! Mais une couleur, on l’a vu dans l’article sur la théorie des couleurs partie 1, c’est un mélange de 3 choses : la teinte, la saturation et la clarté. Et c’est bien ce dernier point que l’on peut avancer en peignant en noir et blanc. Les étapes sont les suivantes :

  • On commence par sous-coucher en noir, de manière tout ce qu’il y a de plus classique.
  • On pratique ensuite un zénithal.
    • Soit en posant une fine couche de blanc pur depuis le dessus de la figurine
    • Soit en plusieurs étapes, avec un gris intermédiaire en latéral, puis un gris clair à 45°, et pour finir un blanc depuis le dessus (cette méthode donne des transitions plus fines)
  • On procède ensuite à un brossage général en blanc (il devra être léger, pour simplement faire ressortir les arrêtes et volumes les plus saillants.
  • Avant dernière étape : Nuln Oil (ou autre lavis à l’encre noir). Après avoir fait ressortir les volumes, il faut maintenant assombrir les creux, notamment sur le haut de la fig car ils ont probablement été trop éclaircis par les couches de gris et de blanc lors du zénithal. Donc on passe un lavis de Nuln Oil MAIS… Attention, on ne fait pas un lavis bourrin en mode Quickshade. Non non. Là, on va simplement venir poser le lavis dans les creux, autour des rivets, dans les trous, etc… bref, on fait du précis, juste pour renforcer les ombres là où elles doivent être. Si on y va comme un bourrin, on va juste ruiner le travail d’avant, donc molo jeannot hein !
  • Enfin, ultime étape, le renforcement des lumières. On va, à ce moment, accentuer les points de lumière les plus forts et les arrêtes, afin d’avoir un contraste particulièrement fort entre lumière et ombre. Avec une peinture un peu diluée, on va donc simplement renforcer le dégradé obtenu par le zénithal.

Ce process peut sembler long pour ce qu’on assimile souvent à une phase « préparatoire ». Sauf que c’est tout sauf de la préparation. Mets-toi bien en tête qu’il s’agit bien ici de peinture. A la fin de ces étapes, tu auras fait le plus dur : poser l’ensemble des lumières et des ombres. Et tout cela sans utiliser une seule couleur, donc en éliminant ce qui pose problème aux daltoniens.

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Ensuite, pour finaliser la peinture, il ne reste plus qu’à poser des glacis de la couleur souhaitée sur l’ensemble de la figurine. Typiquement, c’est une technique qui s’accorde parfaitement avec la peinture contrast. Mais elle peut être utilisée avec n’importe quelle peinture, bien diluée, et appliquée soigneusement en glacis propres. Les glacis vont laisser transparaître les ombres et lumière du dessous, tout en appliquant des pigments de couleur pour donner la teinte souhaitée. On ajustera l’intensité de la couleur par le nombre de passages. 

Utilisation de la peinture contrast

La peinture contrast en un mot pour les daltoniens ? « MAGIQUE »

Alors que tu ne vois rien, cette peinture va faire une bonne partie du travail pour toi, base + lavis et parfois même highlight si la figurine le permet (il faut qu’il y ait suffisamment de détails, de creux, de bosses).

Alors attention, la peinture contrast n’est pas forcément à associer avec débutant, ce n’est pas si simple que ça à utiliser, il faut bien doser et comme toujours pratiquer, pratiquer, pratiquer. Et tu n’es pas non plus obligés de l’utiliser pour toute la figurine, mais uniquement pour les couleurs que tu ne vois pas.

Peinture boyz contrast
Crédit photo Eti Mic

Astuce : Appliquer une première sous couche foncée, puis une sous couche contrast plus claire en zénithal te permettra d’obtenir un bon résultat avec l’utilisation de la peinture contrast. Sinon, la technique complète de pré-ombrage citée juste au-dessus est toute indiquée.

Utilisation de lavis successifs.

Deux lavis successifs te donneront un résultat tout à fait honorable en un temps très rapide (retrouve l’article sur “comment peindre plus vite“).

1ère  couche : kassandra yellow shade
2ème couche : biel tan green shade

peinture en lavis successifs

Utilisation de la complémentaire

De mémoire je n’ai jamais confondu une couleur et sa complémentaire. C’est assez logique, puisque les couleurs complémentaires sont les plus éloignées l’une de l’autre. Donc les plus simple pour l’œil à dissocier. Et cela fonctionne également pour l’œil d’un daltonien. De ce fait, on peut éclaircir/ombrer avec cette méthode. Car l’ajout d’une pointe de la couleur complémentaire dans une teinte permet de l’ombrer de manière très efficace.

Retrouve l’article complet sur la théorie des couleurs, chapitre “complémentarité des couleurs”

Pour l’exemple précédent du Gretchin, mets un poil de violet (exemple : druuchi)… attention, c’est vraiment avec parcimonie. En appliquant ce mélange dans les creux, tu auras un résultat efficace, et que tu seras en mesure, pour une fois, de voir !

Ajout de Druuchi violet pour ombrer le vert
A gauche, sans le Druuchi, à droite, avec le Druuchi dans les ombres

Et voilà, avec tout ces bons conseils de mister Eti Mic, plus de raison de ne pas se lancer. Peindre quand on est daltonien n’est pas toujours facile, mais il y a pleins de moyens, d’astuces, qui permettent de contourner le problème. J’espère que cette article t’auras plu, que tu sois daltonien ou non. Je trouve cela hyper intéressant de comprendre les approches différentes en fonction des spécificités de chacun… et de voir le rendu d’Eti Mic, qui obtient de très belles réalisations malgré la difficulté supplémentaire.

Encore un grand merci à lui !
N’hésite pas à nous dire en commentaire si cet article t’a plu, si d’autres articles de ce type t’intéresseraient. Si un sujet te touche particulièrement, je suis toujours ouvert pour savoir s’il est possible de le traiter, et trouver, comme ici, les bonnes personnes pour en parler. Et bien sûr, si tu es daltonien, je serais ravi de savoir si tu y as trouvé des choses utiles !

Il ne me reste plus qu’à te souhaiter une bonne journée. Et bien sûr, d’ici le prochain article, n’oublie pas de mettre des couleurs dans ta vie !

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2 commentaires

  • Kristoff

    Alléluia !
    Enfin quelqu’un qui pense à nous, les 8% de daltoniens et qui explique aux 92% de voyants ce que c’est, même si cela leur semble incompréhensible.
    Bref, l’article me conforte dans les techniques que j’ai commencé à appliquer (ombrage et lignage), celles que j’ai écarté parce que j’y arrive pas (fondu et mélanges de couleurs aux noms bizarres qui se ressemblent toutes pour moi).
    Heureusement mon fils cadet et mon épouse sont là pour m’aider même si parfois on se tape des barres de rire ! 🤣
    Maintenant sur vos bons conseils je vais appliquer la technique du lavis et utiliser l’application MiniPaint.
    Un très grand merci pour cet article bien construit, agréable à lire, et surtout qui désacralise ce sujet qui à ma connaissance
    est abordé pour la première et unique fois.

    Après avoir visionné quelques-unes de vos vidéos sur YouTube, je vais dévorer les autres articles.
    A bientôt.

    • Guillaume

      Merci m’sieur! Et oui, j’ai même déjà vu des commentaires du style “Bah si t’es daltonien, que tu vois pas bien les couleurs, je comprends pas pourquoi tu peins, ça sert à quoi?”… donc c’est aussi pour que les gens comprennent un peu mieux que j’avais travaillé avec un Daltonien pour cet article:-)

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